Le conscrit - KOHAN Martin

Couverture Le conscritBuenos Aires, juin 1978. Un conscrit lit le message téléphonique qu’il doit transmettre de toute urgence au capitaine Messiano, le médecin militaire dont il est le chauffeur, parti assister à un des matchs de la coupe du monde de football. Il s’agit d’une question terrible, brutale, posée par un autre médecin militaire, et dont dépend la vie d'une prisonnière et de son bébé. Après avoir corrigé une faute d’orthographe et soucieux de bien accomplir son devoir, le conscrit parcourt la ville à la recherche de son chef pour qui il s'est lié d'affection et dont il admire les valeurs morales d'ordre et d'obéissance. Le contenu de la question posée n'éveille en lui aucune interrogation, de même qu'il reste aveugle à la violence qui règne en dehors des murs du stade où se déroule la fête sportive. et sourd à un autre message, celui de la prisonnière qui le supplie d'alerter sa famille et un avocat. Construit comme une froide mécanique mathématique, le roman de Martin Kohan est un des plus grands textes littéraires jamais écrits sur ce qui conduit un individu ordinaire à intérioriser la violence politique et à prendre parti pour la répression.

Biographie de l’auteur

Martín Kohan est né à Buenos Aires en 1967. Il est l’auteur de plusieurs romans et essais, dont un sur Walter Benjamin. Sciences morales, son deuxième livre publié en France, a obtenu le Prix Herraldede novela en 2007. Considéré comme l'un des auteurs les plus intelligents et les plus stimulants de la nouvelle littérature argentine, il enseigne la théorie littéraire à l'université de Buenos Aires.

Date première édition: octobre 2012

Editeur: Seuil

Genre: Roman

Mots clés :

Notre avis : 0 / 10 (1 note)

Enregistré le: 05 avril 2014



Michel-Henri
Appréciation de lecture
Le conscrit
Appréciation : / 10
Commentaire #1 du : 14 mai 2014
En 1978 nous sommes en plein dans la dictature qui a pris le pouvoir en 1976. La « politique » des assassinats et des disparitions bat son plein. Il y aura au moins 30 000 disparus. Le roman se déroule aussi pendant la coupe du monde de football.

Le narrateur personnage à partir d'une note prise sur un carnet dans une caserne, va nous entraîner dans les pages les plus noires de l'histoire argentine. Cette note est une question posée par un médecin à un autre médecin : « A partir de quel âge peut-on torturer un enfant ? ». Lui, le narrateur, est conscrit et chauffeur du médecin chef qui l'a pris en amitié. Tout va se jouer autour de cette note et de la réponse qui y sera apporté.

Ce livre est l'illustration de la banalité du mal telle que l'a définie Hannah Arendt à propos du procès Eichmann.
Le romancier ne donne pas de nom à ces deux personnage centraux. L'un est simplement « le conscrit » ou « le soldat » et l'autre « la détenue ». Ils sont impersonnels comme les rouages d'une histoire où ils n'interviennent que par leur fonction. Le héros se caractérise par son indifférence à tout ce qui lui est extérieur. Seul lui importe lui-même, personnage sans relief. C'est l'archétype du salaud sartrien. Son seul but apparent dans l'existence c'est de suivre le mouvement, de ne pas déranger un ordre supposé et rassurant de l'univers comme un accent manquant sur un « a ». Il ne manifeste aucun sentiment. Même l'amitié envers le docteur est supposée au travers de la description des sentiments du médecin lui-même mais jamais exprimé directement venant du narrateur.
Elle, la victime, celle qui est supposée s'être opposée à l'ordre va disparaître corps et biens. Elle est écrasée au sens littéral par la machine et les hommes qui lui sont asservis. Elle ne laissera à la fin du récit aucune trace.
Évidemment la lecture de cet ouvrage est inconfortable parce que nous aussi lecteurs nous nous interrogeons sur notre propre indifférence au monde ou aux autres. Cependant le romancier pousse les choses si loin que le personnage apparaît plus comme un archétype que comme un réel personnage. Je ne crois pas pour ma part que nous puissions être aussi indifférent à la souffrance d'autrui. Pour dire les choses plus simplement je ne crois pas à notre acceptation de la banalité du mal. Certainement il y a des salauds, certainement il y a des bourreaux, certainement souvent nous nous en accommodons trop mais y somme nous à ce point si indifférents ?

Citation :
« Ceux qui ont dit, je les ai entendus, que les visages dans cette foule étaient tous pareils, que chacun faisait le même effet qu'un autre, ceux là considéraient les choses de trop loin. Je les avais vus arriver, ces visages, plein d'espoir, et chacun semblait heureux à sa manière. Maintenant, c'était la souffrance qui les rendaient semblables. Ils se ressemblaient tous dans la peine et le tourment. Ils se ressemblaient tous dans leur désolation commune. En repartant accablés, ils étaient unis dans la même forme d'amertume. Mais cette amertume les dépassait, parce qu'elle s'emparait également de tous ; elle les dépassait, comme elle dépassait le quartier du Bajo et dépassait la ville : elle était partout »

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