L'hiver du mécontentement - REVERDY Thomas B

Couverture L'hiver du mécontentement

Prix Interallié 2018. L’Hiver du mécontentement, c’est ainsi que le journal le Sun qualifia l’hiver 1978-1979, où des grèves monstrueuses paralysèrent des mois durant la Grande-Bretagne. Voici venir l’hiver de notre mécontentement, ce sont aussi les premiers mots que prononce Richard III dans la pièce de Shakespeare. Ce personnage, la jeune Candice va le jouer, dans une mise en scène exclusivement féminine. Entre deux tournées à vélo pour livrer des courriers dans un Londres en proie au désordre, elle cherchera à comprendre qui est Richard III et le sens de sa conquête du pouvoir. Au théâtre Warehouse, lors d’une répétition, elle croisera une Margaret Thatcher encore méconnue venue prendre un cours de diction et déjà bien décidée à se hisser à la tête du pays. Elle fera aussi la rencontre de Jones, jeune musicien brutalement licencié et peu armé face aux changements qui s’annoncent.
Thomas B. Reverdy écrit le roman de cet hiver qui a sonné le glas d’une époque et accouché d’un autre monde, un monde sans pitié où Just do it ne servira bientôt qu’à vendre des chaussures. Mais il raconte aussi comment de jeunes gens réussissent à s’y faire une place, en luttant avec toute la vitalité, la détermination et les rêves de leur âge.

  Biographie de l'auteur

Thomas B. Reverdy, né en 1974, est un romancier français.

Au cours de ses études de lettres à l'université, il travaille sur Antonin Artaud, Roger Gilbert-Lecomte et Henri Michaux. Il participe aussi à cette époque à la revue "La Femelle du Requin", dont il dirige la publication du numéro 4 au numéro 12.
Il obtient l'agrégation de lettres modernes en 2000. Il enseigne depuis dans un lycée de Seine-Saint-Denis, le lycée Jean Renoir. Il raconte cette expérience de professeur dans "Le Lycée de nos rêves", coécrit avec Cyril Delhay.
Ses 3 premiers romans, "La Montée des eaux" (Seuil, 2003), "Le Ciel pour mémoire" (Seuil, 2005) et "Les Derniers Feux" (Seuil, 2008), constituent une sorte de cycle poétique. Ils abordent les thèmes du deuil, de l'amitié et de l'écriture.
En 2010, "L'Envers du monde" propose une intrigue policière aux implications morales et philosophiques, dans le New York de l'après 11-septembre. L'ouvrage obtient l'année suivante le Prix François-Mauriac.
Publié en août 2013, "Les évaporés", est retenu dans la sélection finale du Prix du roman Fnac, dans la sélection du Prix Goncourt et dans celle du Prix Décembre. Il est couronné la même année par le Grand Prix Thyde Monnier de la Société des gens de lettres et en 2014 par le Prix Joseph-Kessel.

Date première édition: août 2018

Editeur: Flammarion

Genre: Roman

Mots clés :

Notre avis : 8 / 10 (1 note)

Enregistré le: 27 février 2019



Michel-Henri
Appréciation de lecture
L'hiver du mécontentement
Appréciation : 8 / 10
Commentaire #1 du : 27 février 2019
Thomas B. Reverdy nous conte ici l’histoire d’une toute jeune femme indépendante et libre, Candice, qui sur sa machine à deux roues gagne de quoi survivre et faire ce qui lui plaît le plus, du théâtre. Mais cette histoire n’est pas hors-sol loin de là puisque nous sommes juste avant les années Thatcher et que l’auteur ancre fortement son histoire dans ce substrat. C’est d’ailleurs une des réussite du livre, ces allers et retours entre la fiction et la situation catastrophique où se plonge peu à peu la Grande-Bretagne, le tout vu de Londres où les conflits , les tensions, la lutte des classes sont forcément exacerbés. Nous revivons avec une nostalgie mêlée d’effroi ces temps où le monde changeait, où le vieux système avec ses préoccupations sociales et ses services publics volait en éclat sous la poussée libérale. Cela nous parle d’autant plus que nous sommes toujours dans ce nouveau monde.
L’auteur décrit très bien la façon dont un peuple s’enfonce dans le chaos, comment les luttes quand elles sont menées sans clairvoyance et en définitive pour servir l’appétit de pouvoir d’une petite caste, vont à l’encontre de ce qu’elles sont sensées défendre.
Thomas B. Reverdy aurait pu en rester à ce niveau de lecture mais l’introduction de la pièce de Shakespeare, Richard III, donne une dimension beaucoup plus universelle à son propos. Richard c’est la face sombre de l’homme, sa dimension tragique quand il laisse libre cours à son appétit de pouvoir, quand il se méprise lui-même en méprisant la servilité de ses semblables. L’écrivain fait deux parallèles avec cette pièce de théâtre. Le premier est ancré dans la réalité, Thatcher c’est Richard III mais son côté implacable, prêt à tout pour arriver à ses fins. Le second parallèle c’est quand il nous parle du patron de Candice. Ned est une autre face de Richard III, son côté bouffon. Il joue la comédie Ned, la comédie de l’ancien hippie, la comédie du patron cool capable d’innover et qui tutoie ses employés, qui invente de nouveau concepts. Mais tout cela c’est de la frime, c’est pour la galerie. Ce qu’il veut, c’est l’argent, le pouvoir, pouvoir dominer les corps comme il voudrait le faire avec Candice.
Il n’y a guère d échappatoire dans ce livre. Jones pourrait être l’antithèse de Richard, le bon côté de l’homme mais les choses finissent mal pour lui. Il est inadapté au nouveau monde trop sensible, il ne peut que disparaître. Finalement le seul espoir c’est Candice qui nous le donne. Elle, elle s’adapte. Non pas qu’elle accepte la nouvelle donne, loin de là. Mais elle a compris qu’elle ne pourra pas la combattre de front, qu’il faut savoir se glisser dans les interstices, faire ce à quoi on croit, chercher de façon opiniâtre les petits espaces de liberté, ne pas se laisser berner par ce que la société voudrait nous imposer.
L’idée de la bande son est assez originale mais bien adaptée au sujet. On imagine très bien l’auteur écrivant chapitres après chapitres sur ces musiques qui sont le reflet d’une époque, sa traduction sonore.
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Citation :
« Elle se met à gueuler son texte avec une espèce d’accent plus rastafari que baroque, entrecoupé d’éclats de rire :
Naw izzzz da winterrr ov ourrr dissscontent, made glorious summerrr by disss son ov Yorrrk !
C’est le début de son rôle. L’ouverture de Richard III. Candice tient le rôle-titre dans une compagnie semi-professionnelle composée uniquement de filles. Voici venir l’hiver de notre mécontentement, changé en été de gloire par ce rejeton des York ! »

« "Oh oui, l'Angleterre va se redresser. Les banquiers vont se redresser. Les actionnaires et les hommes d'affaires, les assureurs et les courtiers vont se redresser. Les avocats fiscalistes. Toute la City va tellement se redresser qu'on aura l'impression qu'elle bande.
Le reste, on va le liquider. Privatisations, faillites en série, licenciements massifs. Ce sera les grands soldes d'hiver, avant changement de collection. La crise s'installera. Elle deviendra un moyen de gouverner. On vantera les carrières multiples, les hommes à tout faire, les petits boulots, peut-être même le retour des femmes à la maison, le do it yourself, la débrouillardise et le second marché. Les chômeurs seront de plus en plus nombreux. Mais ils seront de droite »

« Ne vont-ils pas voir Richard III - la pièce du dévoilement, du cynisme, la pièce où le Grand Jeu de la politique se met à nu ? »

« Si vous croyez en l'art, si vous savez lire, si vous aimez la musique, vous êtes foutu. Plus rien ne vous fait peur ni ne vous impressionne. On ne vous la fait plus. Et l'illusion s'effondre, comme dans un roman de science-fiction. Le rideau s'ouvre. »

« Il fait un temps de chien cette année-là, avant même le début de l'hiver, un temps à dissuader de sortir. Dans les rues de plus en plus sombres du centre-ville, une forêt de parapluies se lève et s'épanouit au rythme des averses qui durent parfois tout le jour. La pluie tombe droit. Elle ruisselle sur les façades noircies des immeubles sans les laver. Au contraire il semble qu'elle les barbouille davantage, mêlant sa grisaille à a suie. Elle crépite sur les trottoirs. Au dessus des avenues, le ciel n'est plus le ciel. Il paraît couler lui aussi comme un fleuve à l'envers, par dessus les toits, un fleuve gris de nuages uniformes et tumultueux, roulant les uns sur les autres et tonnant parfois comme s'ils s'entrechoquaient . Indifférente ou insensible, la forêt de parapluies continue d'avancer, se cognant et se précipitant, s'engouffrant dans les bouches de métro, claquant les portes battantes des immeubles à bureaux. C'est parfaitement déprimant.

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