Le météorologue - ROLIN Olivier

Couverture Le météorologue

Son domaine c’était les nuages. Sur toute l’étendue immense de l’URSS, les avions avaient besoin de ses prévisions pour atterrir, les navires pour se frayer un chemin à travers les glaces, les tracteurs pour labourer les terres noires. Dans la conquête de l’espace commençante, ses instruments sondaient la stratosphère, il rêvait de domestiquer l’énergie des vents et du soleil, il croyait "construire le socialisme", jusqu’au jour de 1934 où il fut arrêté comme "saboteur". À partir de cette date sa vie, celle d’une victime parmi des millions d’autres de la terreur stalinienne, fut une descente aux enfers.
Pendant ses années de camp, et jusqu’à la veille de sa mort atroce, il envoyait à sa toute jeune fille, Éléonora, des dessins, des herbiers, des devinettes. C’est la découverte de cette correspondance adressée à une enfant qu’il ne reverrait pas qui m’a décidé à enquêter sur le destin d’Alexéï Féodossévitch Vangengheim, le météorologue. Mais aussi la conviction que ces histoires d’un autre temps, d’un autre pays, ne sont pas lointaines comme on pourrait le penser : le triomphe mondial du capitalisme ne s’expliquerait pas sans la fin terrible de l’espérance révolutionnaire.

Biographie de l’auteur

Olivier Rolin, né en 1947,  a passé son enfance au Sénégal... Il a un frère, Jean Rolin, lui aussi écrivain. Lycéen parisien, il entre ensuite à l'École Normale Supérieure d'où il sort diplômé en lettre et philosophie.
Engagé politiquement, il devient un membre dirigeant de l'organisation maoïste gauche prolétarienne comme chef de la branche militaire: le NRP, jusquen 1973, date de sa dissolution.
Actuellement, il est membre de Le cercle de l'Oratoire, mouvement néoconservateur qui publie Le Meilleur des mondes, revue à laquelle il participe.
Il sera quelques temps journaliste (Libération, Le Nouvel Observateur), puis se lancera dans l'édition (Le Seuil).
Il a obtenu le prix Femina pour "Port-Soudan" en 1994, le Prix France Culture pour "Tigre en papier" en 2003 et le prix du Style en 2014.
Il sera, pendant cinq ans le compagnon de Jane Birkin.

Date première édition: septembre 2014

Editeur: Seuil

Genre: Roman , Roman historique

Mots clés :

Notre avis : 8 / 10 (2 notes)

Enregistré le: 01 mai 2015



Marinette
Appréciation de lecture
Le météorologue
Appréciation : 9 / 10
Commentaire #2 du : 07 septembre 2021
Olivier Rolin est né en 1947 et a écrit une vingtaine de romans. "Le météorologue " lui a valu en 2015 le prix du style, créé par le label littéraire Plume et Plomb, pour récompenser chez un auteur vivant la qualité stylistique de l'une de ses œuvres.

Pourquoi lire "le météorologue "??

En premier lieu, parce qu'Olivier Rolin relate le destin tragique d'un homme singulier, victime de la terreur stalinienne. Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, né en 1881 dans un village d'Ukraine, était un scientifique météorologue. Précurseur, il considérait que le futur était lié à l'énergie solaire et rêvait de créer un réseau météorologique mondial. Il avait renié ses origines nobles pour mettre ses connaissances au service de la construction du socialisme. Mais, il était aussi le père d'une petite Eleonora de 4 ans, quand il sera déporté de Moscou vers les îles Solovki. Dans les lettres qu’il adresse à sa « petite étoile », il aura à cœur de lui transmettre son savoir, avec pédagogie. Dessins naïfs, devinettes, herbiers initiatiques sont reproduits à la fin du livre.
Jusqu'au bout, ou presque, il reste convaincu qu'il a été victime d'une erreur. Fidélité naïve à Staline, souci de ne pas créer d'ennui à sa famille, impossibilité de renoncer aux idées qui ont forgé toute son existence, jusqu'à envoyer à sa fille un portrait de Staline constitué de bris de pierres : Alexeï était un être humain, presque ordinaire.

En 2? lieu, parce que l'auteur rend compte avec minutie d'une période de l’histoire, vécue en URSS, par des milliers de personnes en 1936/37, dans toute sa cruauté et aussi son absurdité. Alexeï est arrêté en janvier 1934 à la suite d'une dénonciation, condamné à 10 ans de déportation, il rejoindra le camp des îles Solovki, il sera fusillé en novembre 1937. Sa famille ignorera tout du sort qui lui fut réservé jusqu'en 1956, date à laquelle il sera finalement réhabilité.

L'auteur s'est beaucoup documenté, émaille son récit de nombreuses références littéraires et interroge : Comment un régime a-t-il pu condamner, à l'issue de procès expéditifs, tant d'Alexeï, d'Andreï, de Boris, d'Ivan ... et anéantir ses poètes, intellectuels, paysans, infirmiers, simples serruriers ? Avec, note Olivier Rolin, la maigre et amère consolation que certains bourreaux ne tarderont pas à être eux-mêmes fusillés.

Enfin, parce qu'Olivier Rolin évoque son "tropisme russe", cette force obscure qui l'a amené depuis 1986, à parcourir et visiter la Russie une vingtaine de fois. Certains d'entre nous pourront s'y reconnaître. En tous les cas, outre "Le météorologue", la Russie lui inspirera plusieurs ouvrages, notamment : "En Russie", "Baikal -Amour", salué en 2017 par le prix Pierre Mac Orlan, un documentaire "la bibliothèque disparue", où Olivier Rolin retrace l'histoire de la bibliothèque du goulag des îles Solovki, 30000 volumes rassemblés par les déportés.

Pour vous donner une petite idée du style d'Olivier Rolin, je conclurai mon propos par cette citation, extraite du tout début du livre :
"Son domaine, c'était les nuages. Les longues plumes de glace des cirrus, les tours bourgeonnantes des cumulonimbus, les nippes déchiquetées des stratus, les strato-cumulus qui rident le ciel comme les vaguelettes de la marée le sable des plages, les altostratus qui font des voilettes au soleil, toutes les grandes formes à la dérive ourlées de lumière, les géants cotonneux d'où tombent pluie et neige et foudre. Ce n'était pas une tête en l'air, pourtant - du moins, je ne crois pas. "
Gislaine
Appréciation de lecture
Le météorologue
Appréciation : 7,5 / 10
Commentaire #1 du : 01 mai 2015
Ce roman est à mi-chemin entre fiction historique et documentaire, et l'auteur n'hésite pas à expliquer dans les premières pages, sa démarche, ses visites sur les lieux et ses recherches.

L’histoire se situe dans les années 30 en URSS. Le météorologue Alexéi Vangengheim est arrêté pour sabotage et envoyé sur l’île Solovki, un goulag non loin de la Finlande.
Olivier Rolin en a reconstitué sa vie durant les 4 années de détention, grâce aux lettres qu’il écrivait à sa femme et les dessins devinettes qu’il faisait parvenir à sa fille de 4 ans.

1934 et les années qui vont suivre sont marquées par la «Terreur » et la « Grande terreur » du stalinisme. C’est une machine à broyer de l’humain par milliers voir par millions.

Le style d’Olivier Rolin est posé. Le ton est détaché et presque apaisé (il y a beaucoup de peut-être … ). Cette manière d’écrire me gêne face à tant d’ignominie et de terreur. Je pense qu’il y a de meilleure littérature concernant les goulags, mais l’auteur a eu la bonne idée de porter à notre connaissance cette tragédie de l’ile Solovki.

EXTRAIT :
Sur un rocher, à l'entrée du site, aujourd'hui, cette seule inscription : Lioudi, nié oubivaïtié droug drouga,

"Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres".

Je ne connais pas d'inscription plus juste que celle-là, si rigoureusement simple, sans aucune mention politique, religieuse, historique, sans invitation à la vengeance ni même à la Justice, en appelant seulement à la Loi morale. Il y a plus de trois cent soixante fosses dans la forêt, de tailles variables. Plus de sept mille personnes ont été exécutées ici entre 1934 et 1941, dont les onze cent onze du convoi des Solovki, en cinq jours, les vingt-sept octobre, premier, deux, trois et quatre novembre 1937.
Dernière édition : 02 mai 2015, 17:17:27 par gislaine  

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