Les amis de la bibliothèque

Dans ce roman les personnages, plutôt que de vivre leur « vraie » vie sur une terre aux ressources épuisées, se créent des avatars dans un univers virtuel pour échapper au réel.
Mais s'il est facile d'échapper au réel, il l'est moins d 'échapper à soi-même. En effet après la découverte du bonheur de vivre dans un monde d'abondance où tout est permis ou presque, les personnages se retrouvent face aux mêmes dilemmes que dans la réalité. Il y a bien entendu les histoires de cœur mais aussi les problèmes d'argent car tout s'achète même pour de faux. Pour gagner de l'argent nul travail n'est demandé il faut simplement se fabriquer la vie la plus intéressante qui attirera un maximum de connectés et donc un maximum de sponsors.
Mais à ce jeu on devient vite prisonnier du personnage créé et on doit suivre son destin.

L'univers que nous décrit Alain Monnier n'est même plus vraiment prémonitoire. Il est tellement proche de ce que nous donne à voir trop souvent la télévision et internet. Ce n'est pas le côté « trash » qui est le plus désespérant mais la platitude et l'ennui qui suintent de ce monde virtuel. La culture se résume à quelques phrases grandiloquentes sorties de leur contexte dont plus personne ne connaît les auteurs.

Et il n'y a pas d'échappatoire. Alain Monnier nous lance sur quelques pistes : l'amour, l'amitié, la lecture, la rébellion. Mais toutes se révèlent des impasses, toutes nous ramènent à ce terrible constat. L'humanité est prisonnière d'elle-même ; ne serait-elle pas uniquement l'addition des lâchetés individuelles ?

Extrait :

Je venais t'inviter à une fête, dit Xenakis.
Super... C'est quand ?
Jeudi prochain... à Delphes... Ce devrait être méga-géant !
Pas de bol ! Suis déjà pris ! J'ai annoncé que j'allais à la Commémoration du vase de Soissons.
Dommage, Isi, dommage ! Il y aura la Pythie, il paraît qu'elle est en super-forme et qu'il y aura plein de divinations à gagner. Ça va être top géant...
[….]
Tu vas vraiment solliciter la Pythie et te mettre un destin sur le dos ?
Bien sûr !
Avec la marque attachée à ton nom... Cest pire qu'un tatouage mec... tu sais on s'en défait pas.
Oui, mais tout le monde sait aussi qu'un type avec un destin monte ses hits de plusieurs pour-cent dans les jours et les semaines qui suivent. C'est avéré. Les gens veulent voir comment tu te débrouilles et comment tu pares aux coups du sort... (p. 23)