Blonde - OATES Joyce Carol

Couverture Blonde

« Alors, en début de soirée, ce 3 août 1962, vint la Mort, index sur la sonnette du 12305 Fifth Helena Drive. La Mort qui essuyait la sueur de son front avec sa casquette de base-ball. La Mort qui mastiquait vite, impatiente, un chewing-gum. Pas un bruit à l'intérieur. La Mort ne peut pas le laisser sur le pas de la porte, ce foutu paquet, il lui faut une signature. Elle n'entend que les vibrations ronronnantes de l'air conditionné. Ou bien… est-ce qu'elle entend une radio là ? La maison est de type espagnol, c'est une « hacienda » de plain-pied ; murs en fausses briques, toiture en tuiles orange luisantes, fenêtres aux stores tirés. On la croirait presque recouverte d'une poussière grise. Compacte et miniature comme une maison de poupée, rien de grandiose pour Brentwood. La Mort sonna à deux reprises, appuya fort la seconde. Cette fois, on ouvrit la porte.
De la main de la Mort, j'acceptais ce cadeau. Je savais ce que c'était, je crois. Et de la part de qui c'était. En voyant le nom et l'adresse, j'ai ri et j'ai signé sans hésiter. »

Biographie de l'auteur

Joyce Carol Oates, née en 1938, est une auteure, poétesse, nouvelliste, dramaturge et essayiste américaine.

Elle travaille pour le journal de son lycée, le Williamsville South High School, dont elle sort diplômée en 1956. Elle obtient alors une bourse pour l'Université de Syracuse et gagne, avec "In the Old World" (1959), le concours de la nouvelle universitaire organisé par le magazine Mademoiselle. Diplômée en 1960, puis obtient une maîtrise universitaire en Lettres de l'Université du Wisconsin à Madison en 1961.

Peu après, elle épouse Raymond J. Smith, un étudiant de la même université qu'elle qui deviendra professeur de littérature anglaise, puis rédacteur et éditeur. En 1962, le couple s'installe à Détroit, au Michigan, où elle enseigne. En 1963, elle publie son premier recueil de nouvelles, "By the North Gate" et, en 1964, son premier roman "With Shuddering Fall". C’est le début d’une œuvre prolifique et riche.

En 1968, le couple s’installe à Windsor, en Ontario, au Canada, où Joyce Carol Oates obtient un poste à l’université et où ils créeront, en 1974, la revue littéraire Ontario Review. Son roman "Eux" ("Them"), paru en 1969, reçoit le National Book Award en 1970.
En 1978, sans abandonner la publication de leur revue, Joyce Carol Oates et son mari s’installent près de l’Université de Princeton, au New Jersey, où elle obtient une chaire de création littéraire. Elle enseigne dans cette institution jusqu'en 2014.
Depuis 1963, Joyce Carol Oates a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Au total, plus de 70 titres. Elle a aussi écrit plusieurs romans policiers sous les pseudonymes de Rosamond Smith et de Lauren Kelly. Elle a figuré deux fois parmi les finalistes du prix Nobel de littérature.

Son roman "Blonde" (2000) inspiré de la vie de Marilyn Monroe est publié pratiquement dans le monde entier et lui a valu les éloges unanimes de la critique internationale, tout comme le roman "Les Chutes" ("The Falls", 2004) grâce auquel elle remporte en France le Prix Femina étranger.
Elle suscite aussi la controverse à plusieurs reprises, notamment avec son roman de littérature d'enfance et de jeunesse intitulé "Sexy" (2005), qui aborde de front les thèmes de l'adultère, de la pédophilie.

Joyce Carol Oates signe ce qui pourrait bien rester – aux côtés de Blonde (Stock, 2000) et des Chutes (Philippe Rey, 2004) – l'un de ses plus beaux livres.

Date première édition: octobre 2020

Editeur: Stock

Genre: Biographie , Roman

Mots clés :

Notre avis : 8 / 10 (1 note)

Enregistré le: 20 novembre 2024



Michel-Henri
Appréciation de lecture
Blonde
Appréciation : 8 / 10
Commentaire #1 du : 20 novembre 2024
Un livre qui ne m'a pas laissé indifférent, loin de là, en premier lieu grâce à son écriture remarquable. La façon de mettre en scène les échanges entre les protagonistes, entrecoupés par les réflexions intimes, est menée de main de maître. Je suis rentré difficilement dans le livre au début et je me demandais bien pourquoi puisque sans cesse j'y revenais. Je crois que c'est à cause de sa puissance. À un moment il faut lâcher prise et se laisser entraîner par ce courant irrésistible. Au début on comprend vite qu'il s'agit d'une fiction dans le sens où l'autrice ne nous restitue pas le fruit d'une enquête. Mais cela va bien au-delà puisqu'à partir d'un matériau brut, de l'histoire d'un personnage historique, elle va imaginer qui aurait bien pu être la vraie Norma Jeane Baker et c'est le personnage de Marilyn Monroe qui devient fictif, une sorte de mythe épousant les contours d'une époque.
La tragédie de notre héroïne est construite sur ce dédoublement. Pas d'échappatoire dans ce milieu du cinéma américain qui joue sur tous les registres, n'hésitant pas à mettre en scène des personnages féminins très relativement libérée et exploitant, y compris sexuellement, jusqu'à la corde les actrices qui incarnent ces mêmes personnages dans un système patriarcal implacable.
Joyce Carol Oates fait de son sujet une petite fille broyée par la machine infernale du spectacle. Mais elle invente pour elle – ou lui restitue, qui sait ? – une vraie personnalité. Norma Jeane est intelligente mais les hommes ne le supportent pas, il leur faut une bimbo décérébrée, un personnage de fantasme. Alors Marilyn Monroe va jouer le jeu et leur donner ce qu'ils souhaitent. Bien sûr elle va s'y perdre, la coupure avec sa vraie nature est trop profonde et provoquera la chute.
Tout cela est-il vrai ? Je ne sais toujours pas mais l'autrice nous donne une folle envie d'y croire.

Citations :
"Le génie n'a pas besoin de technique. Mais la "technique" est santé mentale. Ses professeurs lui disaient qu'elle manquait de "technique". Mais qu'est-ce que la "technique" sinon l'absence de passion ?"

"Pourquoi est-ce si important ? Une photo de nu ? Qui ne montre que moi ? Vous avez vu ces photos des camps de la mort nazis ? Ou d'Hiroshima, de Nagasaki ? Des tas de cadavres empilés comme du bois ? Des enfants et des bébés ? Ça c'est scandaleux, ca c'est de la pornographie. Et pas une pauvre conne qui a désespérément besoin de cinquante dollars."

"Jamais tu ne pourras escalader ce mur, tu n'es pas assez forte ; les filles ne sont pas assez fortes ; les filles ne sont pas assez grandes ; tu as un corps délicat de poupée ; ton corps est une poupée ; fait pour être admiré et caressé par les autres ; fait pour être utilisé par les autres, pas par toi ; ton corps est un fruit appétissant fait pour que d'autres y mordent, et le savourent ; ton corps est pour les autres, pas pour toi."

Ecrire un avis de lecture

  • Les champs obligatoires sont marqués avec une *.

Si vous avez des difficultés à lire le code, cliquer sur le code lui-même pour en générer un nouveau.
Recopier le code de sécurité :